Exposé du ministre des Affaires étrangères Nikos Dendias sur « l’application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer : la mer Égée et la Méditerranée orientale comme étude de cas » à l’Institut norvégien NUPI (Oslo, 16.02.2022)

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Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Tout d’abord, je dois vous remercier pour votre invitation. C’est un grand honneur pour moi.
Et je dois dire aussi, à titre d’expérience personnelle, qu’après les deux années marquées par la pandémie de COVID, c’est un grand plaisir de participer à un séminaire en présentiel où on n’est pas face à un écran, mais on peut interagir avec les gens et répondre à leurs questions.
La Grèce considère la région de la Méditerranée orientale comme une zone de stabilité et de prospérité, où tous les pays, tous les peuples devraient pouvoir jouir de la paix et de la sécurité.
Etant membre de l’UE, membre de l’alliance de l’OTAN, la Grèce promeut activement les synergies et les partenariats régionaux axés sur le droit international et le droit international de la mer. Et, ce, il va sans dire, dans le grand cadre de la Charte des Nations Unies.
Dans cette optique, mon pays a développé des liens étroits avec des partenaires importants de la région, des Balkans au Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au Golfe.
Sur la base d’une compréhension commune du droit de la mer, nous étendons également cette coopération aux pays de la région indo-pacifique.
En même temps que nous promouvons nos relations bilatérales, nous sommes pionniers dans l’établissement de partenariats multilatéraux dans des domaines très variés.
De cette manière, nous exprimons la voix et renforçons les efforts de tous ceux qui sont engagés dans la sauvegarde de la paix, de la stabilité et du développement.
Telle est la réponse grecque aux nombreux défis de la Méditerranée orientale et de notre voisinage élargi.
Mesdames et Messieurs,
Je ne vous apprends rien de nouveau si je vous dis que la Grèce est par tradition une nation maritime.
Le littoral de l’arrière-pays de la Grèce, y compris le littoral de nos îles, s’étend sur près de 16 000 kilomètres. C’est à peu près   comme le littoral de l’Afrique, un peu moins.  Et les îles grecques représentent environ 1/3 du territoire national de la Grèce.
Mon pays s’oppose à toute menace de recours à la force ou à l’emploi de la force dans le règlement de tout différend, et bien sûr des différends maritimes. La Grèce est un État partie à la CNUDM (UNCLOS) depuis 1995. Et le caractère universel de ladite Convention est attesté par le fait que 168 parties, y compris l’Union européenne elle-même, sont liées par ses dispositions.
La Grèce a développé ses politiques et ses actions sur la base du droit international, et bien sûr du droit international de la mer.
C’est sur cette base que nous avons conclu des accords de délimitation avec nos voisins.
Plus précisément, la Grèce et l’Italie ont conclu en juin 2020 l’accord sur la délimitation de leurs zones maritimes respectives. La ligne de délimitation de cet accord suit la ligne convenue entre les deux pays en 1977 sur la délimitation de leurs plateaux continentaux respectifs.
Deux mois plus tard, en août 2020, la Grèce et l’Égypte ont signé un accord sur la délimitation de la ZEE entre nos deux pays. Cet accord établit une délimitation partielle des frontières maritimes.
Enfin, la Grèce a déclaré à plusieurs reprises qu’elle était prête à entamer ou à reprendre des négociations sur la base de la CNUDM avec d’autres pays, en vue de conclure des accords similaires.
À cette fin, des pourparlers ont été lancés en octobre 2020 entre la Grèce et l’Albanie en vue de la conclusion d’un accord spécial. Un accord qui portera leurs problèmes relatifs à la délimitation de zones maritimes devant la Cour internationale de justice.
La mise en œuvre des dispositions de la CNUDM implique l’exercice par la Grèce, de sa souveraineté, de ses droits souverains et de sa juridiction conformément à la Convention, dans ses zones maritimes.
Cela inclut la ZEE grecque récemment proclamée sur la base de l’accord de délimitation gréco-égyptien.
En outre, la Grèce a récemment étendu sa mer territoriale de 6 à 12 milles nautiques dans la mer Ionienne, à l’ouest de la Grèce. Et elle se réserve, bien sûr, le droit de faire de même dans d’autres parties de son territoire.
Elle a également procédé à la fermeture de baies et au tracé de lignes de base droites dans la même région, conformément aux dispositions pertinentes de la CNUDM.Mesdames et Messieurs,La contestation de l’application de la CNUDM en Méditerranée orientale affecte sérieusement la paix et la sécurité dans notre région.
Le comportement de notre voisin, la Turquie, en est la preuve.
La Turquie refuse d’adhérer à la CNUDM car elle ne reconnaît pas que les îles ont droit à des zones maritimes.
Elle ne reconnaît pas non plus notre droit, découlant de la CNUDM, d’étendre nos eaux territoriales.
À cette fin, la Turquie menace même la Grèce de guerre, si celle-ci décidait d’étendre ses eaux territoriales au-delà des 6 milles nautiques, conformément à la CNUDM.
Le casus belli, comme on l’appelle, a été proclamé par l’Assemblée nationale turque en 1995.
Cette position de la Turquie est contraire à la Charte des Nations unies et constitue un exemple flagrant de violation du droit international.
Elle viole les principes fondamentaux du non-recours à la menace ou à l’emploi de la force et du règlement pacifique des différends entre nations.
En outre, elle va à l’encontre des principes de base sur lesquels l’OTAN est fondée.
La levée de la menace est une condition préalable nécessaire à une amélioration substantielle des relations gréco-turques.
En outre, le comportement illégal de la Turquie en mer Égée et en Méditerranée orientale comprend des violations des eaux territoriales et de l’espace aérien nationaux de la Grèce, ainsi que la contestation de la souveraineté grecque sur un certain nombre d’îles cédées à la Grèce par des traités internationaux connexes.
Ce comportement est associé à la théorie expansionniste de la « patrie bleue » de la Turquie, à savoir la revendication des zones maritimes étendues en mer Egée et en Méditerranée orientale appartenant à ses voisins.
La CNUDM qui reflète également le droit coutumier, stipule clairement que les îles, quelle que soit leur taille, ont pleinement droit à un plateau continental et à une ZEE, comme tout autre territoire terrestre.
La signature du soi-disant protocole d’accord entre la Turquie et le gouvernement provisoire d’entente nationale de Libye sur la délimitation maritime en Méditerranée orientale est un cas flagrant de violation de ces règles du droit de la mer.
La délimitation, selon la CNUDM, n’a lieu qu’entre des États dont les côtes sont opposées ou adjacentes.
Or, la Turquie et la Libye ne sont pas des États dont les côtes sont opposées ou adjacentes. Elles n’ont pas de frontières communes.
Les dispositions de ce protocole d’accord illégal privent les îles grecques, y compris l’île de Crète – la Crète est la cinquième plus grande île de la Méditerranée avec une population de 600 000 habitants – de leurs zones maritimes au-delà de 6 milles nautiques.
Il est évident qu’une telle action s’oppose à toute notion de la géographie, à toute logique ou délimitation de zones maritimes.
La Grèce fait  constamment preuve de sa volonté de négocier avec la Turquie en vue de régler ce  différend en suspens, à savoir la délimitation du plateau continental et de la ZEE, conformément au droit international et en particulier au droit de la mer et, à défaut de pouvoir parvenir à un accord bilatéral, de soumettre notre différend à la Cour.
Mesdames et Messieurs,
La Grèce a développé une approche dynamique pour promouvoir le droit international et en particulier la CNUDM dans les relations internationales.
Elle a renforcé ses relations et a établi des partenariats au niveau bilatéral, régional et international.
Cette approche contribue à la paix et à la stabilité en mer Égée, en Méditerranée orientale et au-delà.
Il va sans dire que je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
Merci beaucoup.